161France. La fête de la pentecôte à Villers-Cotterêts.

  

   " Il y a moins d'un siècle, la fête de Villers-Cotterêts était une véritable merveille dont on parlait à dix lieues à la ronde, une de ces scènes féeriques qui vous transportent et vous enchantent. On la célébrait à l'entrée du parc et derrière le bâtiment de l'orangerie. Les princes et les princesses, toutes les grandes dames d'atour ne manquaient jamais de l"honorer de leur présence: les jeux, les danses, tous les divertissements avaient lieu sous les murs du château, attiraient une foule innombrable d'assistants et de brillants équipages. Comme aujourd'hui , il y avait un tir au fusil dans une allée latérale. Tous les gardes des chasses avec leur brillant uniforme rouge, et galons d'argent, tous les pages couverts de lrurs riches vêtements, tous les laquais revêtus,  de leurs livrées, tous les grands officiers du château chamarrés d'or, avec un détachement de la garnison de Soissons, qui gardait les entrées principales pendant le séjour du prince, toutes les autorités du pays en habits de fête, venaient chercher avec grande pompe, et tambour battant, Mgr le duc  

   

d'Orléans pour lui offrir le coup d'honneur: des prix considérables d'argenterie étaient donnés ensuite et distribués aux vainqueurs, au nom et par ordre de Son Altesse Sérénissime, et d'abondantes aumônes aux pauvres.

...Aujourd'hui on fait la fête dans le bosquet. Qui pourrait dire combien longtemps d'avance tous les esprits sont préoccupés de cette fête et de ses préparatifs(toujours vrai en 2012.Hein les gosses!!!!): un mouvement inaccoutumé, une animation extraordinaire se fait remarquer dans toute la ville, il n'est permis presqu'à personne d'être indifférent.Déjà depuis longtemps tous les marchands de nouveautés sont revenus de Paris avec les plus riches parures: ils étaient à toutes les croisées les objets les plus propres à séduire les yeux, à tenter les moindres fortunes. Leurs magasins,leurs comptoirs sont assiégés pendant tout le jour : c'est à qui choisira la robe la plus élégante, le châle le plus distingué, les couleurs les plus vives, les plus voyantes, ou bien quelquefois les plus pâles, les plus bizarres :...

      

        Toutes dessèchent, pâlissent, rivalisent de zèle et d'adresse pour être prêtes au grand jour, lundi de Pentecôte ! Plus le grand jour approche, plus les imaginations travaillent, fermentent, bouillonnent et font presque tourner toutes les têtes légères, enflammées par le plaisir ! Partout on ne parle que de toilettes et de parures ; on ne s'entretient que d'amusements, de bals et de danses qui doivent se prolonger bien avant dans la nuit. On restaure également, on embellit, on décore tous les appartements : ....

 

   Les promenades même du Parterre et du Bosquet sont peignées avec un soin infini : toutes les allées revêtent à l'envi une nouvelle couche de beau sable jaune. La faïence, les porcelaines, les cristaux étalent leurs merveilles sous la toile ; les saltimbanques, les bohémiens toujours nombreux plantent leurs jalons sur le champ de foire : les chevaux de bois s'installent sous un élégant pavillon, disposés à courir et à emporter leurs jeunes cavaliers, et leurs fraîches écuyères ; les wagons et les chemins de fer voient leurs rails entourées de montagnes de macarons ; Franconi dresse dans un coin son cirque, prépare l'enceinte pour les rapides évolutions de ses coursiers ; tous les exercices curieux ou gymnastiques prennent place dans le Bosquet : des tentes, des petites auberges improvisées, des maisons même s'élèvent comme par enchantement. De toutes parts les coups de marteau retentissent ; le bruit, le mouvement l'activité animent déjà tous ces lieux où va s' agiter bientôt une foule innombrable et frémissante...

   Tous les villages voisins se sont comme donné rendez-vous à la fête. En quelques heures seulement tout le Bosquet est plein de toute cette multitude qui peut à peine circuler. Bientôt tous les jeux commencent et s'animent de plus en plus aux sons de tous les instruments d'airan : tous les bateleurs avec leurs costumes bigarrés s'agitent, s'escriment en tous sens sur leurs tréteaux, amusent le public par de bon mots , par toutes sortes de tours d'adresse , puis ils embouchent la trompette , invitent les assistants à entrer sous la toile , à prendre place sous les loges , à venir voir la prise de Constantine ou de Mascara , ou bien quelquefois Geneviéve de Brabant. Le cirque de son côté lance dans les airs ses joyeuses et bruyantes fanfares, et fait venir à lui des flots pressés et entassés de jeunes villageois qui s'installent dans l'enceinte circulaire, recouverte elle-même d'une toile immense perchée au haut d'un mat de cocagne : des détonations incessantes qui retentissent aux oreilles, des pétards qui éclatent de toutes parts, ajoutent encore au bruit, aux clameurs, au tumulte...    

..., la nuit arrive à grands pas avec toutes ses ombres. Alors tous les orchestres, tous les grands arbres s'illuminent de feux de Bengale, qui projettent au loin une brillante clarté, et toute la jeunesse ivre de joie se livre aux danses les plus vives et les animes...

   Malgré tout ce qu'elle a perdu d'éclat et de splendeur, la fête de Villers-Cotterêts est encore la plus belle de toutes les fêtes du canton : ouverte toujours le lundi de la Pentecôtes, elle se prolonge et continue presque toute la semaine, et on recommence à reprendre le travail que le cinquième jour. Celle de l'année 1852 fut plus brillante que jamais : l'annonce de l'ascension d'un aérostat, avec son  hardi navigateur, avait attiré une foule immense de tous les lieux circonvoisins.

  Un serment mal gardé

 Villers-Cotterêts et ses environs

   Abbé François Chollet